Michaël MAAS passe son temps à observer, à regarder autrement, en essayant d’effacer les images conventionnelles d’un esthétique admis, cherchant le chemin de l’insoupçonné. Cette qualité d’attention qui se plaît en découverte d’émotions, d’ailleurs.
Moments de silence.
Visions recadrées, remises en scène, pour une composition réaliste et abstraite. Soudain, il reconstitue des parcelles de décors rêvés, natures mortes nées de la rencontre de l’harmonie des choses bâties et du travail du temps qui opère son œuvre.
Ou alors, il libère son désir d’élans, de gestes spontanés, de brisures, mêlant la technique et les mouvements incontrôlables de la vie, ses « sorcières intérieures » comme il les nomme.
Mais ce serait réduction de parler des techniques de traits, de fondus, de la lumière discrète ou vive (métier de peintre dit-il). L’excellente maîtrise de Michaël MAAS permet justement, en visitant ses œuvres, de les traverser jusqu’à l’origine : la poésie du regard.
Michaël MAAS donne à voir une émouvante leçon de choses. Il peint pour témoigner de l’effacement et des suites de la matière. Comme une calligraphie du temps. Jamais de fin, seulement des transformations.
"Michaël Maas peint des lignes, des arêtes, des
cadres, des fragments de bâtiments, des extraits d'architectures. Il traduit la
beauté d'un détail de volet terni pour démontrer la subtile patine des
couleurs, le jeu des ans sur l'évolution des matériaux. Il s'émerveille des
habiles géométries que le génie humain dispose tout autour de nous, dans notre
environnement quotidien : le réseau de traits que dessine par exemple
l'union d'une cheminée et d'un toit pentu percé d'un chien assis. Un tel
spectacle l'inspire, mais ce n'est pas cette réalité qu'il reproduit avec
minutie ; il reconstitue sur ses toiles des parcelles de décors rêvés,
dévoile ses plans secrets d'assemblage d'éléments de construction. Ce serait
des natures mortes nées de la rencontre d'un mur et de madriers, de la
juxtaposition de planches et de fenêtres… Sa peinture rend hommage à l'harmonie
des choses bâties, au talent des maîtres d'ouvrage et au travail du temps qui
opère son œuvre sur toute édification.
Michaël Maas nourrit une admiration pour les gens de
métier, ceux qui ont acquis leur savoir à la suite d'un patient apprentissage.
Il aurait aimé être Compagnon du Devoir ou fréquenter les ateliers hollandais à
l'époque de Vermeer. Michaël Maas, ce natif de Lyon au nom flamand, a du goût
pour le travail du bois, la belle menuiserie et la complexité des charpentes.
Son expression picturale est celle d'un homme qui s'est résolument initié au
métier de peintre, a acquis les techniques les plus exigeantes, la maîtrise du
dessin, le contrôle des lumières.
Dans les années 70, jusqu'au début des années 80, il a
érigé sur le support de ses toiles le relief d'installations, de portes,
d'huisseries, métaphores calmes de l'ouverture vers un autre état de
conscience, du passage de l'autre côté de la réalité.
Puis il s'est tu pendant deux décennies.
Michaël Maas a cessé de peindre sans renoncer toutefois à
être peintre. Il a appliqué son savoir-faire à la réalisation d'autres décors,
ceux qu'exigent le cinéma, les effets spéciaux, les prises de vues
publicitaires. Il est devenu expert en trompe-l'œil et producteur d'objets
factices, usant des secrets de l'artiste pour célébrer le triomphe de
l'illusion.
Et puis, quand les manipulations informatiques ont imposé
le règne du virtuel aux dépens du réalisme des magiciens, la parenthèse s'est
refermée. Michaël Maas est revenu naturellement s'asseoir devant son chevalet.
Il a retrouvé, présent, son goût pour les lignes et les cadres, les traits de
ses insolites partitions.
"Je m'encadre comme d'autres s'encordent, avait-il
coutume de dire. Je me protège."
Mais vingt ans d'abstinence picturale ont libéré son
désir d'élans, de gestes spontanés, d'envies de brisures. Maas revient à ses
représentations de cabanes, d'abris faits de vieilles portes et de planches
usées, de barrières, mais cette fois il veut les faire exploser en y
introduisant les mouvements incontrôlables de la vie. Il y ajoute l'insolence
d'herbes folles et fait remarquer l'influence du vent qui refoulera toujours
l'orgueil humain. Dans ses dernières toiles, il retrouve la nécessité de
paysages marqués par le silence et le couchant.
Il entend mêler aussi ses techniques éprouvées à des
expériences récentes de projections de javel sur du papier photo recouvert
d'encre. Il se sert de ficelles, de morceaux de cagettes utilisés en racloirs
ou d'une pointe de bambou taillé comme outils d'agitation. Le geste pictural
est obligatoirement vif, le résultat aléatoire ou au contraire très dessiné,
griffé, à la limite de l'effet de la gravure quand il use du calame. Michaël
Maas revient à la peinture avec l'idée de fausser ses géométries anciennes en
libérant l'énergie de ses "sorcières intérieures", comme il appelle
ce mélange d'angoisses et de folies qui, jusqu'alors, dormaient sous le couvercle
de sa boîte de Pandore personnelle".
Michaël, tu emportes avec toi une grande partie de
nous-mêmes. C'est sûr. Nous ne serons plus pareils sans toi, sans tes coups de
gueule ou de crayons, tes humeurs, ta générosité. Sans tes colères qui venaient
de loin, d'un rejet inné de l'injustice et des manipulations. Rassure-toi, de
notre côté, nous gardons en nous ce que tu es venu graver sur cette terre
pendant le temps qui t'a été imparti. Voilà : tu as déposé une œuvre pour
nourrir ceux qui ont su en profiter. Et ainsi va la vie, plus forte de ce que
nous transmettons à nos successeurs.